Vie et mœurs des jeunes Européens au travail - VALEURS PROFESSIONNELLES DES " ECP " ET VALEURS DES ENTREPRISES
L'éthique : une valeur pour soi, un outil marketing pour les entreprises
L'éthique mot à la mode, valeur personnelle ou principe de gestion d'une entreprise ? Telle est la question qui a été posée aux "ECP" leur permettant de dissocier à la fois la valeur personnelle d'un mode de gestion d'entreprise.
L'éthique, une valeur fondamentale au travail…
Pour une large majorité d'"ECP", l'éthique dans l'univers professionnel et économique est un concept " essentiel " (57%). Ils sont encore plus du tiers à déclarer que ce principe est " important mais pas essentiel " (38%). Seuls 4% affirment que l'éthique dans l'univers professionnel et économique est " secondaire ". La reconnaissance du caractère " essentiel " de l'éthique au sein de l'univers professionnel est particulièrement forte chez les femmes (65% contre 55% des hommes), chez les Britanniques (81%, soit 24 points de plus qu'en moyenne) et chez les "ECP" appartenant à des PME de moins de 50 salariés (65%, soit 8 points de plus).
… Mais une valeur instrumentalisée par les entreprises
La reconnaissance voire la valorisation du concept d'éthique faite par les "ECP" ne les conduit pourtant pas à une forme d'angélisme économique. Si, pour eux, l'éthique est une valeur et un principe directeur dans leur vie professionnelle, ils ne se font guère d'illusion sur leur entreprise. Une très large majorité pense que lorsqu'une entreprise parle d'" éthique ", " c'est d'abord un argument marketing et commercial " (60%). Un cinquième considère même que l'utilisation du concept d'éthique par l'entreprise n'est qu'un " effet de mode " (17%). Seuls, finalement, 18% pensent que " cela correspond à une ambition sincère ". Il est singulier de noter que ceux qui valorisent le plus l'éthique dans leur vie professionnelle sont également ceux qui déclarent le plus souvent que leur entreprise utilise cette valeur comme un outil promotionnel. Lorsque huit Britanniques sur dix font de l'éthique un principe " essentiel " (81%), ils sont également les deux tiers à reconnaître que, pour leur entreprise, c'est d'abord un " argument marketing et commercial " (66%, soit 6 points de plus qu'en moyenne). Il en est de même pour les femmes : près des deux tiers d'entre elles pensent que lorsqu'une entreprise parle d'éthique, " c'est d'abord un argument marketing et commercial " (64% contre 58% d'hommes).
Aussi, si les " ECP" font de l'éthique un principe directeur de leur vie professionnelle, ils ont conscience, à la fois, qu'ils ne peuvent attendre une même ambition sincère des entreprises et que ces dernières instrumentalisent cette valeur.
L'éthique au travail s'exprime dans l'acceptation ou le refus de travailler dans certaines entreprises
La valorisation du concept d'éthique dans la vie professionnelle et l'univers professionnel peut s'exprimer concrètement dans les arbitrages faits par les "ECP" entre les différentes entreprises pour lesquelles ils accepteraient de travailler. Si les "ECP" font de l'éthique un concept central dans leur vie professionnelle, qu'en est-il de leurs pratiques réelles et de l'engagement qu'ils assumeraient de prendre dans certaines entreprises socialement peu valorisées?
Les "ECP" s'accordent pour dire qu'ils refuseraient de travailler dans deux types d'entreprises : celles qui " font fabriquer leurs produits par des enfants ou des adolescents " (88% refuseraient) et celles dont la production " nuit à l'environnement " (76%).
Ils sont encore majoritaires à rejeter l'idée de travailler pour des entreprises refusant de " commercialiser des traitements anti-HIV à perte " (62%) ou " testant leurs produits sur des animaux " (55%).
Les "ECP" sont partagés quant à l'idée de travailler " dans le secteur de l'armement " (47%) ou pour des entreprises qui " commercialisent du tabac " (51%).
En revanche, seul un large tiers des "ECP" dit refuser d'occuper un emploi dans des entreprises qui " font de la recherche sur des organismes génétiquement modifiés " (42%), qui pratiquent le " dumping social " (42%), qui appartiennent au secteur nucléaire (40%) ou qui " licencient tout en faisant des bénéfices " (40%). Et, très rares sont ceux qui se refuseraient à travailler dans le secteur pétrolier (18%).
A chaque catégorie d'"ECP" correspond un type d'entreprise pour lequel il regimberait plus particulièrement à travailler. Les femmes s'insurgent contre l'idée de travailler dans une entreprise qui " licencie tout en faisant des bénéfices " (+14 points d'avis négatifs par rapport à la moyenne) ou dans le secteur de l'armement (+15 points). Elles s'associent aux "ECP" diplômés de l'enseignement littéraire pour condamner la perspective de travailler dans un groupe qui " teste ses produits sur les animaux " (respectivement +7 points et +17 points d'avis négatifs). Ces derniers sont également une majorité à dire refuser de travailler dans " le secteur nucléaire " (+15 points d'avis négatifs). Si les Britanniques sont rebutés par l'idée de travailler dans une entreprise qui fait du dumping social (+8 points) ou qui commercialise du tabac (+7 points), les Italiens sont catégoriques concernant les entreprises qui nuisent à l'environnement : 89% refuseraient d'y travailler (+13 points d'avis négatifs).
Soulignons, enfin, que l'avis des "ECP" semble structuré de manière paradoxale. Refusant de souscrire ou d'adhérer à des pratiques socialement illégitimes comme le travail des enfants, la mise en danger de l'environnement, de la santé ou de la paix, ils sont pourtant nombreux à accepter les règles de l'économie de marché et ses conséquences que sont, parfois, le " dumping social " ou les " licenciements pour préserver les bénéfices de l'entreprise ". Mobilisés par des thèmes porteurs, socialement valorisés, les "ECP" ne vont donc pas jusqu'à remettre en question les fondements de l'économie de marché.
Hiérarchie des valeurs dans l'entreprise : "respect des autres", "confiance" et "pragmatisme"
Invités à dire, si leur univers professionnel permet de mettre en pratique les grandes valeurs humanistes que sont notamment la confiance, le respect, l'amitié ou la solidarité, les "ECP" sont, pour chacune de ces valeurs, une majorité à déclarer qu'elle participe de leur vie au travail.
Parmi les valeurs les plus fréquemment mises en pratique au sein de leur univers professionnel, trois sont particulièrement prégnantes : " le respect des autres " (73%), la " confiance " (72%) et le " pragmatisme " (70%).
" Amitié " et " éthique " sont encore largement reconnues comme des principes actifs au sein de leur univers professionnel (respectivement 66% et 61%).
Toujours majoritairement appliquées dans leur vie professionnelle quotidienne, les valeurs de " solidarité " (56%), de " courage " (52%) et de " franchise " (49%) semblent pourtant moins à l'œuvre dans le monde de l'entreprise.
Certaines catégories d'"ECP" ont-elles plus particulièrement retenues des valeurs qui leur sont chères ? C'est le cas de l'amitié pour les plus jeunes des "ECP" (+9 points par rapport à la moyenne), de la solidarité pour les Néerlandais (+11 points) et pour les salariés des PME de moins de 50 salariés (+9 points), de l'éthique pour les "ECP" de moins de 25 ans (+ 6 points), pour les Britanniques (+7 points) et pour les titulaires d'un diplôme littéraire (+7 points) et, enfin, de la franchise pour les Espagnols (+9 points).
L'entreprise, un rôle social ?
Si les "ECP" ne sont pas rétifs à l'idée d'un rôle social de l'entreprise…
L'entreprise telle que les "ECP" la perçoivent est travaillée par des préoccupations éthiques et constitue un lieu social où les grandes valeurs humanistes sont mises en pratique. Vont-ils alors jusqu'à faire de cette institution un agent non pas uniquement économique mais aussi social dont le rôle n'est pas seulement de contribuer à créer de la valeur marchande mais aussi de la valeur sociale voire morale ?
D'une certaine façon, les "ECP" n'hésitent pas à faire de l'entreprise un acteur social fondamental. En effet, en dépit de leur culture économique libérale, les "ECP" sont plus des trois-quarts à dire que " le rôle d'une entreprise est aussi, au-delà de ses objectifs commerciaux de contribuer, à améliorer la société " (78%). Ce rôle social est, d'ailleurs, tout particulièrement reconnu par les ressortissants britanniques (88%, +10 points), italiens (85%, +7 points) et néerlandais (85%, +7 points)
…ils ne se font toutefois pas d'illusion sur leur propre entreprise
Les "ECP" ne se font toutefois guère d'illusion sur leur entreprise. Si pour eux, l'entreprise doit se faire institution sociale, elle ne remplit pas souvent ce rôle qu'ils appellent de leurs vœux. Seule une courte majorité pense que leur propre entreprise contribue " aussi, au-delà de ses objectifs commerciaux à améliorer la société " (55%). Idéal, ce rôle social s'accorde, selon les "ECP", souvent mal du principe de réalité, en particulier pour les Français qui sont minoritaires à juger que leur entreprise assume ce rôle (48%, -7 points par rapport à la moyenne).
DIAPOS
Fiche technique :
Cette note présente les principaux résultats de l'enquête auto-administrée HR Gardens/Ipsos menée auprès de 2 647 " Early Career Professionals " à partir d'un fichier disponible et fourni par EMDS. Le terrain a eu lieu du 1er décembre au 17 décembre 2001.
L'enquête a été administrée par Internet, selon la méthodologie suivante : un mail a été envoyé à chaque individu inscrit sur le fichier d'EMDS, ayant au moins une expérience professionnelle et appartenant aux 7 nationalités suivantes : allemande, italienne, française, belge, espagnole, néerlandaise et anglaise. Les " ECP " correspondant à ces critères étaient invités à se connecter à l'adresse où était hébergé le questionnaire et à y répondre.
Ce dispositif a été précédé, avant les attentats du 11 septembre, d'une première enquête, portant sur un échantillon de 5.211 " ECP " (interrogés entre le 4 juillet et le 17 août 2001). Cette première enquête - réalisée sur un mode opératoire identique à celle dont nous rendons compte ici - avait permis de mieux comprendre les relations qu'entretiennent les " ECP " avec le monde de l'entreprise. Il est intéressant de rappeler, en préambule à l'analyse de la seconde vague - plus spécifiquement consacrée à la perception de " l'après-11 septembre " - ses grands enseignements. Le pragmatisme dont font aujourd'hui preuve les " ECP " dans le contexte socio-économique actuel tient sans doute plus de leurs caractéristiques propres que de la conjoncture.