Vivre en zone rurale : quel impact sur la vie des aidants ?

Vivre en zone rurale : en quoi cela impacte la vie des aidants ? Le profil des aidants ruraux se distingue-t-il de ce que nous observions en 2020 dans le cadre de l’enquête nationale consacrée aux aidants ? Qui sont-ils ? Qui sont les proches aidés ? en quoi la ruralité et ses caractéristiques impactent l’offre de services dans les territoires, impacte les déplacements ?

Auteur(s)

  • Amélie Marmuse Chargée d'études Senior, Public Affairs
  • Adeline Merceron Responsable d'activité santé - Département Public Affairs
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Aidés et aidants ruraux : qui sont-ils ?

Une aide majoritairement apportée dans le cadre familial

Le plus souvent, la personne aidée fait partie du cercle familial de l’aidant rural, plus particulièrement du cercle familial proche (87%, rappel 2020 : 83%). Dans le détail, cette aide est d’abord destinée aux parents (45%, rappel 2020 : 44%), devant les conjoints (11%, rappel 2020 : 12%), les beaux-parents (11%, rappel 2020 : 9%), les grands-parents (9%, rappel 2020 : 11%), les enfants (7%, rappel 2020 : 5%) et les frères et sœurs (4%, rappel 2020 : 2%).

Des situations hétérogènes, notamment au regard du lieu d’habitation de la personne aidée et de la raison qui sous-tend cette aide

Dans près de trois quarts des cas, la personne aidée vit dans son propre domicile (74%, rappel 2020 : 72%). Par ailleurs, si moins d’un aidant rural sur deux déclare habiter avec son proche (16%, rappel 2020 : 17%), c’est davantage le cas lorsque l’aide est destinée aux conjoints ou aux enfants (60%), lorsque l’aidant s’occupe seul de ce proche (27%) ou lorsque c’est un handicap qui justifie cette aide (26%). Par conséquent, les aidants ruraux qui résident avec leur proche déclarent majoritairement qu’ils habitaient déjà avec lui avant que la personne ne devienne dépendante, voir même ils ont toujours habité ensemble (62%).

Assez préoccupant, dans la grande majorité des cas, le logement de la personne aidée n’est pas adapté à ses besoins. En effet, dans trois quarts des situations, le logement de la personne aidée n’est pas tout à fait adapté aux difficultés qu’elle rencontre (74%).

Par conséquent, 4 aidants ruraux sur 10 déclarent avoir envisagé ou même engagé des démarches pour adapter ce logement (41%) et un quart ont même envisagé un déménagement (28%).

Comparativement à ce que nous mesurions en 2020, l’âge de la personne aidée, en milieu rural semble être un critère nettement plus important que sur la moyenne du territoire, comme si avec les distances et l’isolement (des réalités fortes en zone rurale), les Français vivant sur ces territoires endossaient davantage le rôle d’aidants auprès de leurs proches vieillissant.

En effet, si la part d’aidants ruraux déclarant accompagner leur proche en raison d’une maladie est significativement inférieure à la mesure de 2020 (29%, rappel 2020 : 45%), l’aide apportée en raison de l’âge y est nettement supérieure et est citée par près de deux tiers d’entre eux (64%, rappel 2020 : 53%). Non différenciant, dans un tiers des cas, cette aide est nécessaire du fait d’une situation de handicap (32%, rappel 2020 : 34%).

Si dans la grande majorité des cas, les aidants sont eux-mêmes soutenus et secondés dans leur rôle, près d’un quart interviennent seuls

Trois quarts des aidants ruraux déclarent ne pas être seuls à intervenir (77%) auprès du proche qu’ils accompagnent. Dans le détail, 45% des aidants reçoivent une aide professionnelle (via des aides à domicile, des infirmières, des aides ménagères, etc.) et près de 2 sur 5 sont épaulés par d’autres membres de la famille (39%). Dans une moindre mesure, les voisins (7%) et les bénévoles d’associations locales (5%) jouent aussi un rôle dans l’aide apportée aux personnes aidées.

Plus problématique en revanche, ou disons plus lourd à assumer, près d’un quart des aidants déclarent s’occuper seuls de la personne aidée (23%, rappel 2020 : 24%). Cela est encore plus le cas lorsque la personne aidée est un conjoint ou un enfant (49%), lorsque l’aidant est inactif (37%) ou lorsque le revenu annuel net du foyer de l’aidant est inférieur ou égal à 15 000€ (35%).

Quelle aide est apportée par les aidants qui vivent en zone rurale ?

Une fréquence et une durée moyenne consacrées à l’aide apportée à leur proche qui traduit d’un engagement fort des aidants ruraux, même si elles révèlent des réalités très hétérogènes

Trois quarts des aidants ruraux déclarent se déplacer plusieurs fois par semaine dans le cadre de l’aide apportée à leur proche (74%). Dans le détail, ces déplacements sont principalement liés aux visites à domicile[1] (86%), aux visites (82%), à l’aide apportée pour les tâches courantes (70%) ou encore à celle apportée pour les courses (65%).

Si la majorité des aidants ruraux déclarent consacrer entre 1h et 7h à l’aide apportée à leur proche (58%, rappel 2020 : 57%), 1 aidant rural sur 10 y consacre 15h ou plus (12%). C’est encore plus le cas lorsque logiquement l’aidant et l’aidé partagent le même domicile (32%), lorsque la personne aidée est un conjoint ou un enfant (28%) ou encore lorsque cette aide est nécessaire du fait d’un handicap (20%).

Un accompagnement protéiforme, qui témoigne d’une forte implication des aidants dans la vie quotidienne de leur proche.

L’accompagnement apporté par les aidants ruraux est multiple, ils sont sur tous les fronts. Si plus de 4 aidants ruraux sur 5 déclarent aider leur proche sur le plan administratif (90%) ou pour les actes de la vie quotidienne (86%), deux tiers d’entre eux l’accompagnent aussi pour des actes de soins (66%). Moins citée, l’aide à la personne (qui touche davantage à l’intime) concerne tout de même plus d’un aidant rural sur deux (57%) et ce d’autant plus lorsque le proche est un conjoint (76%) ou lorsqu’il a besoin d’aide du fait d’une situation de handicap (68%).

Par ailleurs, près d’1 aidant rural sur 2 déclarent apporter toutes ces aides à son proche. C’est davantage le cas lorsque l’aidant intervient auprès de son proche tous les jours ou presque (63%), lorsqu’ils partagent le même domicile (56%). En revanche, sans doute parce que les services d’accompagnement sont plus nombreux, ce phénomène est moins présent lorsque le proche aidé n’habite pas en zone rurale (28%). 

Quel est l’impact du rôle d’aidant sur les déplacements et sur les coûts associés ?

Une distance moyenne de déplacement qui impacte différemment les aidants ruraux

La distance moyenne entre le domicile de l’aidant et le lieu de vie de la personne aidée est en moyenne de 21,2km (rappel 2020 : 19,5km). Elle atteint même 30,8km lorsque le proche aidé réside en établissement spécialisé ou dans un foyer logement.

Compte tenu de l’investissement des aidants auprès de leur proche qui implique pour beaucoup plusieurs déplacements par semaine, la distance hebdomadaire parcourue est significative. En moyennes, les aidants ruraux parcourent ainsi près de 80km et s’établit même à plus de 100km lorsque l’aidant est seul à intervenir auprès de son proche (contre 69km pour les aidants accompagnés), indiquant un nombre de trajets plus conséquent.

Pour ces déplacements, la voiture individuelle apparait comme le moyen de transport privilégié des aidants ruraux

Dans le cadre des déplacements liés à leur statut d’aidant, 8 aidants ruraux sur 10 utilisent leur propre voiture (80%), très loin devant la marche à pied ou le vélo (11%) ou encore la voiture de leur proche (7%).

Le véhicule personnel en milieu rural prédomine donc de manière massive, le recours aux transports collectifs étant particulièrement marginal. Les transports en commun (7%), les services de transports à la demande (5%) ou solidaires (2%) ne sont utilisés que dans moins d’une situation sur 10.

Le recours au co-voiturage est encore assez mineur dans les territoires ruraux : ils sont 1 sur 5 à y avoir déjà eu recours (20%, dont seulement 10% « plusieurs fois »).

Des déplacements qui génèrent des coûts pour les aidants et qui les amènent même parfois à reconsidérer l’aide apporté à leur proche.

Le coût associé à ces déplacements est considéré comme important par 3 aidants ruraux sur 5 (60%). Assez naturellement, ceux qui parcourent plus de 100km par semaine y voient une contrainte nettement plus importante (81%) que ceux qui parcourent entre 10 et 25km (47%) ou moins de 10km (34%).

En raison du contexte actuel d’inflation, associé à l’augmentation du coût des carburants, les aidants qui se déplacent en voiture ou en deux-roues motorisé sont une majorité à déclarer que cela les a incités à réduire leurs déplacements pour le proche qu’ils aident (58%).

Sur le long terme, le covoiturage ou le recours à des moyens de déplacements plus durables pourraient s’avérer utiles afin de permettre un maintien de l’aide fournie.

Quelle est l’impact de leur fonction d’aidant sur leur moral ? Quelle est la notoriété des services d’aide disponibles en zones rurales ? En bénéficient-ils ?

Si l’état d’esprit des aidants est aujourd’hui contrasté, il n’en demeure pas moins que dans la majorité des cas les sentiments négatifs prennent le pas

S’il existe différences de ressentis vis-à-vis de leur rôle d’aidant, les sentiments négatifs prédominent chez les aidants ruraux (63%). Dans le détail, la fatigue (33%), la solitude (20%), l’isolement (17%) sont les plus cités. Ils sont d’ailleurs 6 sur 10 à déclarer que le fait de résider dans un territoire plutôt rural rend leur rôle d’aidant plutôt difficile (60%). Ce constat est encore plus partagé par ceux qui considèrent que leurs déplacements représentent un coût important dans leur budget (68%), et par ceux qui se sentent isolés (72%).

En revanche, certains aidant ruraux parviennent à trouver du positif dans leur engagement. Très présents dans le quotidien de la personne aidée, près d’un quart des aidants déclarent se sentir satisfaits (23%) quant à leur rôle d’aidant.

Le fait que ces sentiments négatifs prédominent est en partie lié au manque de soutien et d’accompagnement dont bénéficient les aidants ruraux, les solutions disponibles restant majoritairement méconnues des aidants ruraux

Les aidants ruraux se disent mal informés sur les solutions existantes qui pourraient améliorer leur quotidien. Dans le détail, une petite majorité d’entre eux se considère bien informé quant aux services d’aide professionnelle à la personne existant sur leur territoire (51%).

Par ailleurs, moins d’1 sur 2 s’estiment bien informés quant aux associations locales existantes (45%) et les dispositifs d’aides auxquels ils peuvent avoir accès en tant qu’aidant (40%). Par conséquent, il leur est assez difficile de statuer sur les bénéfices de ce genre d’offres. Quelles que soit les dimensions testées (efficaces, satisfaisantes, diversifiées, etc.) les avis sont très partagés en sont assez mous, l’essentiel des aidants répondants se positionnant sur les modalités intermédiaires (« oui, plutôt » vs « non, plutôt pas »)

Conséquence directe de cette méconnaissance, très peu d’aidants ruraux ont bénéficié de ce genre d’accompagnements, alors qu’une part non négligeable admet qu’ils en auraient pourtant besoin

Tout d’abord, rares sont ceux qui déclarent avoir bénéficié de dispositifs ou de services mis en œuvre par leur commune (13%) ou leur intercommunalité (15%). A noter, les aidants ruraux de moins de 35 ans en ont plus bénéficié (34%). Si un aidant rural sur deux déclare ne pas connaitre l’existence de ces services, il est intéressant (pour ne pas dire surprenant) de noter que plus du tiers d’entre eux (35% dans les deux situations) déclarent connaitre l’existence de ces aides sans pour autant les avoir mobilisés auprès de leur proche en situation de dépendance.

Lorsqu’ils bénéficient ou ont bénéficié d’un accompagnement professionnel, c’est majoritairement dans le cadre des soins à domicile (63%) ou de l’entretien de l’habitat (55%). L’accompagnement pour l’hygiène corporelle (47%), pour l’autonomie physique (40%), l’alimentation (38%), l’administratif (30%) ou psychologique et intellectuel (30%) demeurent quant à eux minoritaires, alors même que pour plus d’un aidant sur deux, un de ces accompagnement comblerait un vrai besoin (54%).

Si le refus de la personne aidée constitue la principale raison avancée par les aidants ruraux (33%), c’est aussi le manque de connaissance de ces solutions qui justifie ce non-recours aux services existants (37%). Dans le détail, un quart des aidants ruraux déclarent ne pas savoir à qui s’adresser (28%) et près d’un aidant rural sur cinq déclare ne pas savoir que ce genre de service existait (17%).

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A propos de cette enquête

Dispositif quantitatif mené par internet du 19 au 22 juillet 2022 via l’Access Panel Online d’Ipsos auprès de 500 aidants vivant en zone rurale (moins de 5000 habitants) âgés de 16 ans et plus. Echantillon non pondéré.

A titre de comparaison et lorsque cela est possible, cette synthèse met en regard les résultats obtenus auprès des aidants ruraux avec ceux enregistrés en 2020 dans le cadre du dispositif national réalisé auprès de 2306 aidants.

[1] Lorsque la personne aidée habite dans son propre logement, en foyer ou dans un établissement spécialisé

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  • Amélie Marmuse Chargée d'études Senior, Public Affairs
  • Adeline Merceron Responsable d'activité santé - Département Public Affairs

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