La France, entre soulagement et anxiété

A la veille de 2024, Ipsos dresse le portrait d’un pays à la fois soulagé d’avoir traversé les turbulences de 2023 et très préoccupé par son avenir.

Alors que notre enquête internationale Predictions décrypte l'opinion de 25 000 personnes dans 34 pays sur l'année qui vient de s'écouler - et leurs perspectives sur l'avenir, nos experts font le point sur l'état d'esprit des Français à l'heure de dresser le bilan de l'année 2023.


Le soulagement s’exprime à travers deux signaux : 77% des Français estiment que 2023 a été une mauvaise année pour leur pays contre 82% en 2022[1] et le nombre de ceux que l’inflation préoccupe se stabilise à la baisse, 40% en novembre (28 points de moins que la moyenne mondiale) après 54% en mars 2023, 42% septembre et 44% en octobre[2].

En revanche, l’anxiété se traduit dans leur sentiment que la France s’enfonce dans la mauvaise direction : après 73% en juin, 74% en septembre, 77% en octobre, c’est maintenant 80% des Français qui considèrent que leur pays va dans la mauvaise direction, 17 points de plus que la moyenne mondiale[2] ; sur le plan économique, 36% estiment que la France est en récession (quand 36% n’en savent rien), 54% pensent qu’il faudra plus d’un an pour que l’inflation revienne à la normale, et 24% qu’elle n’y retournera jamais.

Fin du mois ou fin du monde ? Les Français revoient leurs priorités

La combinaison des deux, soulagement et anxiété, conduit à de nouvelles priorités. La pression économique passe avant l’urgence climatique dans un contexte où seuls 9% des Français disent continuer à vivre sans difficulté financière particulière alors que près d’un quart (23%) affirment rencontrer des difficultés pour s’en sortir. En conséquence, la proportion de Français qui sont d’accord avec l’idée que nous allons faire face à un désastre environnemental si nous ne changeons pas nos habitudes rapidement baisse de 4 points de 2022 à 2023.

Pour autant, ils sont conscients qu’il faut agir : 42% sont convaincus que le coût du changement climatique sera supérieur à celui des mesures pour y faire face (vs 28%). Cette pression conduit aussi à de nouveaux arbitrages, les consommateurs focalisant sur les marques avec le meilleur rapport qualité-prix perçu. Ils sont donc moins nombreux à dire acheter des marques qui reflètent leurs valeurs personnelles (61% en 2021 mais 52% en 2022) et sont très attentifs à ce qu’ils achètent : 63% (n°2 dans le monde[3]) ont relevé la stratégie de shrinkflation des marques (diminution de la quantité de produit dans un packaging sans baisse de prix, voire augmentation), un sujet largement repris dans les médias.

Quelles perspectives pour 2024?

2024 n’échappe pas au pessimisme : au niveau personnel, 46% des Français estiment que 2024 sera une meilleure année pour eux que 2023 (contre 70% à l’échelle mondiale) ; sur le plan économique, seuls 33% croient que la situation mondiale sera meilleure (vs 50% dans le monde), mais en progression par comparaison à 2022 (29%) ; sur le plan climatique, 85% pensent que la moyenne mondiale des températures va augmenter (81% dans les trente-quatre pays de l’enquête[1]).

Les Français ne sont pas plus optimistes en ce qui concerne la parité salariale hommes/femmes (elle ne sera réalisée en 2024 que pour 25%, en dernière position dans le monde) ou les relations humaines : 14% sont d’accord avec l’idée que les gens seront plus tolérants les uns envers les autres, en dernière position aussi). Quant à l’Intelligence Artificielle, dont l’essor a été fulgurant en 2023, elle suscite plus de peurs que d’espoirs, étant perçue avant tout comme une machine à détruire des emplois pour les Français.

2024 sera une année électorale avec plus de soixante scrutins qui vont mobiliser plus de deux milliards de citoyens ; les Etats-Unis font partie de ceux qui vont retenir l’attention, et 33% des Français considèrent que Donald Trump sera élu (contre 49% qui ne le croient pas). Ce sera aussi l’an II de la guerre en Ukraine ; seuls 17% des Français pensent qu’elle sera terminée (en avant-dernière position, contre 31% dans le monde).

Y-a-t-il au moins quelque chose à espérer de 2024 ?

Oui, plus de médailles aux Jeux Olympiques qu’en 2020, encore que la différence soit mince entre les 38% de Français qui l’estiment possible et les 37% qui ne s’y attendent pas.

Cette différence si ténue qu’elle en devient imperceptible a un nom en économie et en esthétique, l’effet Mona Lisa, obtenu en peinture par Léonard de Vinci et sa technique du sfumato, le floutage des lignes qui rend le fameux sourire de la Joconde indéfinissable. Quand il s’agit de prévoir les fondamentaux de la société française l’année prochaine, l’exercice est du même ordre et se brouille selon les lignes, celles qui font espérer une croissance et celles qui annoncent hausse du chômage et aggravation des inégalités, celles qui annoncent le rendez-vous démocratique des élections européennes et celles qui pronostiquent la victoire des partis populistes, celles qui assimilent mondialisation et progrès et celles qui voient les gens tentés par la nostalgie et l’envie de se replier sur ce qu’il y a de plus près d’eux, qu’ils connaissent et qui les rassure.

 

Notes

[1] Predictions 2024 | Source
[2] What Worries the World - Novembre 2023 | Source
[3] Global Inflation Monitor | Source

Auteur(s)

  • Yves Bardon
    Yves Bardon
    Directeur du programme Flair, Ipsos Knowledge Centre

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