Transition numérique des entreprises : révolution ou phénomène de mode ?
L’Observatoire Social de l’Entreprise, réalisé par Ipsos et le CESI en partenariat avec Le Figaro, permet de faire régulièrement le point sur le moral des chefs d’entreprise et des salariés du secteur privé mais aussi d’approfondir un thème en lien avec la vie de leur entreprise. La 10e vague de cet observatoire se concentre sur les évolutions barométriques de l'étude et la réforme du code du travail, mais aussi à la transition numérique et à son impact pour les entreprises, du point de vue des chefs d’entreprises comme des salariés. Découvrez ici le premier volet transfromation digitale.
On entend aujourd’hui beaucoup parler des évolutions que vont connaître les entreprises en raison de l’impact de la transition numérique sur leur activité, en termes de gestion de la relation clients, de politique marketing, d’organisation du travail et du management ou encore de formation...
TOUS LES ACTEURS DE L’ENTREPRISE SONT-ILS CONVAINCUS DE L’IMPORTANCE DU SUJET ?
Les salariés sont une majorité à déclarer qu’il s’agit d’un sujet stratégique (21%) ou essentiel (31%). C’est une question qui apparaît plus particulièrement stratégique aux yeux des cadres (42% contre 12% des ouvriers), dans les grandes entreprises (31% des salariés d’entreprises de 500 salariés et plus) et dans le secteur des services (26%).
Les autres salariés jugent le sujet non essentiel (48%), soit qu’ils le considèrent « important mais pas essentiel » (27%) soit « secondaire » (21%). C’est le cas d’une majorité de salariés travaillant dans des entreprises de moins de 100 salariés, et particulièrement dans les TPE (22% des salariés dans ces structures jugent le sujet « important mais pas essentiel » et 37% le jugent secondaire).
Ils rejoignent ainsi les chefs d’entreprise, plus dubitatifs en moyenne que les salariés : en effet, au global, moins d’un chef d’entreprise sur trois juge le sujet de la transition numérique stratégique ou essentiel pour son entreprise. Ce résultat s’explique par le fait que les dirigeants d’entreprises de 1 à 9 salariés se montrent très majoritairement sceptiques (seuls 29% jugent le sujet stratégique ou essentiel). Les dirigeants d’entreprises de taille plus importante sont beaucoup plus convaincus de l’importance de la question (69% pour les entreprises de 250 salariés et plus), mais pèsent beaucoup moins au sein d’un échantillon représentatif de dirigeants.
LES CONSÉQUENCES SONT-ELLES AUSSI TANGIBLES DANS TOUS LES SECTEURS ET TAILLES D'ENTREPRISES ?
Les dirigeants d’entreprises de 250 salariés et plus ont plus souvent déjà ressenti les conséquences de la transition numérique sur leur activité. Mais la vague numérique ne s’est pas arrêtée à la porte des structures de taille plus modeste.
Ainsi, les chefs d’entreprise dans leur ensemble (TPE comprises) sont une majorité à considérer que la transition numérique a déjà eu des conséquences importantes sur le niveau d’exigence de leurs clients (54%), sur leur stratégie de relation clients (52%) ou encore sur le degré de concurrence entre les entreprises dans leur secteur d’activité (51%). Plus d’un sur trois témoigne également d’un impact important sur les compétences attendues et la nature des formations proposées à leurs salariés (48% ; c’est même le cas de 71% dans les entreprises de 250 salariés et plus), les processus de production (45% ; 61% dans les grandes entreprises) et la recherche de l’innovation au sein de leur entreprise (38% ; 50%).
Pour les chefs d’entreprise comme pour les salariés, la transition numérique est davantage perçue comme une chance plutôt qu’une menace pour leur entreprise. Ainsi 31% des chefs d’entreprise considèrent qu’elle est source d’opportunités (contre 7% qui l’envisagent comme un frein et 62% ni l’un ni l’autre). Les dirigeants d’ETI (entreprises de 250 salariés et plus) en sont encore plus convaincus : 70% la considèrent comme une chance, contre 28% des chefs d’entreprises de 1 à 9 salariés, qui s’estiment sans doute plus souvent non concernés.
Si les salariés sont eux aussi une majorité (51%) à ne pas se prononcer (ils ne considèrent la transition numérique ni positivement ni négativement), lorsqu’ils le font ils la jugent davantage comme une opportunité (42%) que comme un frein (7%). Les cadres sont particulièrement nombreux à la considérer comme une chance pour leur entreprise (63%).
LES ASPECTS POSITIFS & NÉGATIFS
Si les salariés jugent positivement l’impact de la transition numérique pour leur entreprise, c’est notamment parce qu’ils constatent majoritairement une influence positive dans plusieurs domaines : 59% jugent qu’elle a eu au cours des 5 dernières années un impact positif sur leur manière de travailler (contre 15% qui pensent qu’elle a eu un impact négatif et 26% ni positif, ni négatif), 58% un impact positif sur le secteur d’activité de leur entreprise (contre 14% négatif), 57% sur l’activité commerciale de leur entreprise (contre 13% négatif) et 50% sur leur bien-être au travail (contre 22%).
Le bilan du développement des outils numériques dans l’entreprise (usage croissant du mail, possibilité de télé-travailler, plateformes de gestion RH, intranet, réseaux sociaux d’entreprise...) est d’ailleurs lui aussi globalement positif pour les salariés. Les gains l’emportent sur les aspects négatifs sur 6 des 7 dimensions testées : sur le niveau d’efficacité personnelle avant tout (59% jugent l’impact positif contre 13% négatif, le restant jugeant que l’impact n’est ni positif ni négatif), mais aussi sur les relations avec leur supérieur hiérarchique (42% positif contre 19% négatif), sur les relations avec les personnes qu’ils peuvent être amenés à encadrer (40% contre 16%), sur leur charge de travail (38% contre 33%) et leur attachement à leur entreprise (37% contre 20%).
Les salariés sont en revanche plus divisés concernant l’impact sur leur capacité à se déconnecter le soir et le week-end (32% jugent l’impact positif contre 31% négatif). Du côté des cadres, le bilan sur ce point est clairement négatif : 51% jugent l’influence du développement de ces outils néfaste (contre 26% bénéfique) en ce qui concerne leur capacité à se déconnecter.
L’impact sur le niveau de stress des salariés pose également question : 36% d’entre eux jugent le développement de ces outils numériques délétère en la matière, contre 29% qui le considèrent positif. Là encore, les cadres sont les plus nombreux à rapporter un effet négatif (47% contre 27% qui jugent l’effet positif), mais les autres catégories socioprofessionnelles sont également touchées, et notamment les professions intermédiaires (41% jugent l’effet néfaste contre 29% positif).
DES SALARIÉS QUI ONT AUJOURD’HUI LE SENTIMENT DE RESTER SUR LE BORD DE LA ROUTE ?
En dehors de la difficulté à se déconnecter, le stress peut également être généré par un sentiment de manque de maîtrise des outils informatiques mis à disposition dans l’entreprise. 11% des salariés déclarent ainsi ne pas être à l’aise avec ces outils, notamment les 50 ans et plus (17%) et les ouvriers (15%). Ils sont également 52% à se dire « plutôt à l’aise », seule une minorité étant « très à l’aise » (28%), un peu plus chez les moins de 30 ans (38%) et chez les cadres (52%). Or la relation entre manque de maîtrise de ces outils et stress est avérée : ainsi, 47% des salariés qui ne sont pas à l’aise avec ces outils jugent l’impact de leur développement négatif sur leur niveau de stress (10 points de plus que pour ceux qui s’estiment à l’aise en la matière).
Dans ce contexte, se former pour mieux maîtriser les outils numériques est crucial, pour l’entreprise comme pour les salariés : 31% déclarent d’ailleurs qu’ils souhaitent bénéficier d’une formation en la matière. Les salariés qui ne sont pas à l’aise avec ces outils sont logiquement plus nombreux à le souhaiter (42%), mais une majorité n’a pas encore sauté le pas (58%), au risque de rester sur le bord du chemin.
Or une partie des salariés est inquiète des conséquences possibles de la transition numérique sur les effectifs de leur entreprise : 23% pensent qu’elle va avoir pour conséquence de les faire baisser (28% dans l’industrie et 25% dans le commerce) contre 16% qui pensent qu’elle va au contraire les augmenter (25% des cadres) et 61% qu’ils vont rester stables. Là encore, les salariés qui ne sont pas à l’aise avec les outils numériques sont plus inquiets : 36% craignent que leur développement ne se traduise par une réduction des effectifs, réduction dont ils pourraient bien faire les frais.
Les chefs d’entreprise se montrent pourtant moins enclins à penser que cette évolution aura pour conséquence de diminuer les effectifs dans leur entreprise (11% le pensent). Ils sont certes peu nombreux à juger qu’elle permettra de les faire croître (8%), un peu plus dans le secteur des services (11%) et les entreprises de 250 salariés et plus (16%). Mais dans leur immense majorité, ils considèrent que la transition numérique n’aura pas d’impact sur le nombre de leur salariés (80%).
Au final, les chefs d’entreprise sont très partagés quant à l’importance des transformations engendrées par la transition numérique, et leur vision dépend très fortement de la taille de la structure qu’ils dirigent. Ainsi, pour 47% d’entre eux, le numérique constitue un simple phénomène de mode. C’est une opinion partagée par une majorité de dirigeants dans le secteur du BTP (57%) et dans les TPE (50%).
Mais pour une courte majorité (52%), la transition numérique révolutionne véritablement les modalités de fonctionnement des entreprises. Si les dirigeants de TPE sont plus dubitatifs, à partir de 10 salariés cette opinion est très majoritairement partagée : 69% des dirigeants d’entreprises de 10 à 499 salariés le pensent, et 85% de ceux de grandes entreprises.
VOLET "MORAL DES CHEFS D'ENTREPRISE"
FICHE TECHNIQUE :
Chefs d'entreprise : Étude réalisée par téléphone sur 404 chefs d’entreprise, du 7 au 19 avril 2016. L’échantillon a été raisonné pour disposer de dirigeants de petites structures et de structures plus importantes, ainsi que de chefs d’entreprise travaillant dans tous les secteurs d’activité. Lors du traitement des résultats, chaque catégorie a été remise à son poids réel afin d’assurer la représentativité des résultats.
Salariés : étude réalisée online sur 1 000 salariés du secteur privé, du 12 au 19 avril 2016. Échantillon représentatif de la population des salariés du secteur privé en termes de sexe, d’âge, de catégorie professionnelle, de catégorie d’agglomération et de région.