Un agriculteur sur deux se dit pessimiste en dépit des opportunités offertes par le secteur
Alors que les aides attribuées par la PAC sont en cours de négociation pour accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique, Ipsos a interrogé pour Agri Avis les agriculteurs français sur leur situation après une année de crise. Quel est leur moral, quelles sont leurs attentes ? Si l’enjeu carbone est une priorité des politiques publiques, l’implication des agriculteurs vers ce même objectif semble susciter un certain scepticisme, alors qu’ils sont plus d’un sur deux à se dire pessimistes quant à l’avenir.
Le moral des agriculteurs replonge
En 2020, la crise avait remis les enjeux d’alimentation au cœur du quotidien des Français, revalorisant ainsi le métier d’agriculteur : où en est-on un an après ? Alors que 40% des agriculteurs étaient plutôt pessimistes au mois d’avril 2020, leur moral replonge cette année (+14 points en 2021) - principalement chez les jeunes et dans les grandes cultures, qui sont deux sur trois à être moins confiants (60% des moins de 45 ans et 62% des exploitants en grandes cultures). Tous se plaignent de subir subissent diverses pressions, mais les perspectives économiques et leur situation financière est ce qui impacte le plus leur moral : 55% des agriculteurs français l’évoquent spontanément pour expliquer leur pessimisme.
« Les agriculteurs français pointent certaines difficultés à tirer un revenu de leur activité, ce qui était une priorité énoncée par les Etats généraux de l’alimentation par le gouvernement. Trois ans plus tard et après une année de crise économique et d’événements climatiques qui ont impacté les cultures, cette annonce porteuse d’espoirs ne se traduit toujours pas en faits, c’est le facteur numéro un qui pèse sur les agriculteurs » commente Renaud Loesel, expert agriculture chez Ipsos.
La gestion administrative constitue la deuxième source de pessimisme pour les agriculteurs, qui sont un sur deux (50%) à se dire insatisfaits des contraintes et normes qui pèsent sur la profession. Enfin, un agriculteur sur trois (35%) se plaint encore du déficit d’amour que la profession subit de manière chronique – à travers les médias notamment.
Certains gardent toutefois le moral : 13% des agriculteurs se disent optimistes, principalement en raison de l’évolution de leurs pratiques (vers la bio notamment) ou une réorientation de leur business model.
Des agriculteurs préoccupés par les réglementations
Alors que leur moral est en baisse, quelles sont les principales préoccupations des agriculteurs dans ce contexte de crise ? Les réglementations agricoles françaises et européennes sont pointées du doigt en priorité par 78% des agriculteurs, et ce principalement dans les grandes exploitations (83%). Un constat sans surprise à la période de déclaration pour la PAC.
Un agriculteur sur deux (54%) se dit également particulièrement préoccupé par le cours des marchés et les prix de vente, et ce, particulièrement dans les polycultures-élevages (+15 points par rapport à la moyenne des agriculteurs). Globalement, les inquiétudes liées à la trésorerie sont quant à elles plutôt présentes chez les jeunes agriculteurs (54% au global vs. 64% chez les moins de 45 ans).
Les enjeux carbone divisent
Les agriculteurs sont relativement bien informés des mesures de soutien et opportunités possibles, notamment lorsqu’elles sont locales ou nationales. Le Made in France, la structuration et le développement de filières performantes ou les marques promouvant le soutien de l’agriculture sont des mesures bien connues des agriculteurs (à plus de 93%), qui sont aussi celles sur lesquelles ils ont le plus d’attentes car ils les jugent pertinentes (à plus de 72%).
« Les agriculteurs français s’affichent comme pragmatiques : ils relèguent à un second plan les politiques et les ‘totems’, comme le green deal ou la transition agroécologique. Leurs priorités sont centrées sur une meilleure valorisation de leur travail » remarque Renaud Loesel.
Par exemple, alors que l’avancée vers la décarbonation de l’agriculture est une mesure phare du Plan de Relance, elle est jugée pertinente pour 62% qui en ont entendu parlé. Les agriculteurs y portent des affinités qui se justifient selon les profils avec des pratiques déjà en place par essence : les enjeux carbones sont plus porteurs auprès des éleveurs (68% vs. 53% chez les cultivateurs), l’agroécologie auprès des petites exploitations (56% vs. 37%). Les plus jeunes montrent une forte appétence pour l’agriculture de précision (80% chez les jeunes vs. 35% chez les plus de 45 ans), là où les plus anciens priorisent le plan protéines végétales (80%).
Interrogés spontanément sur leurs attentes prioritaires, là encore, les agriculteurs évoquent en priorités des motifs d’ordre économique (69%), avec singulièrement la nécessité de revaloriser les prix et redéfinir les mécanismes d’aides pour qu’ils soient plus justes et plus significatifs, mais aussi redorer l’image du métier et soulager les contraintes administratives (19%).
Le besoin de développer de nouveaux modèles de production (enjeux carbone, nouvelles filières, nouvelles formes d’accompagnement…) reste minoritaire, évoqué par moins de 6% des agriculteurs.
« Des résultats qui peuvent apparaitre comme paradoxaux alors que la décarbonation de l’économie est un enjeu de plus en plus urgent et que les agriculteurs pourraient être au cœur de ce mécanisme et pourraient en tirer des sources de revenus complémentaires ; mais qui se comprennent sans doute par l’inertie politique dans la mise en place et la promotion d’un marché de crédits carbone efficient » conclu Renaud Loesel.
Les attentes des agriculteurs dans le contexte actuel
Fiche technique : Enquête Agri-express, menée en ligne du 30 mars au 19 avril 2021, auprès de 223 agriculteurs de 17 ans et plus ayant leur exploitation en France.
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