Identifier, analyser et optimiser les moments-clés de la relation client
Le point de contact entre une entreprise et son client n’est jamais un évènement anodin. Ces moments-clés, selon qu’ils se passent bien ou mal, ont un impact important sur la satisfaction et la fidélité des consommateurs. Il est donc nécessaire d’identifier, de hiérarchiser et d’optimiser ces moments de vérité pour les mettre au cœur de la relation. Antoine Moreau nous présente l’approche d’Ipsos Loyalty en s’appuyant sur des exemples d’études menées dans la plupart des grands secteurs.
Un moments-clé, c’est quoi ?
Antoine Moreau : à ma connaissance, la notion a été formulée en 1987 par Jan Carlzon, ex-PDG de Scandinavian Airlines, dans son livre intitulé Moments of truth. Il définissait ainsi ces temps durant lesquels une entreprise a l’occasion de laisser une bonne ou une mauvaise image à ses clients. Jan Carlzon avait dénombré 50 000 moments-clés par jour au sein de Scandinavian Airlines. Cela peut paraître beaucoup mais un de nos clients dans le domaine du tourisme, me confiait récemment qu’une rencontre entre un client et sa marque pouvait générer jusqu’à 20 occasions de contact ! Pensez à un grand hôtel : le portier, le porteur de bagage, la réception, le personnel chargé du ménage, le room service….Il est vraiment important de savoir identifier ces moments de vérité, de les mesurer au moment voulu, de les diagnostiquer et d’aider les entreprises à agir.
Quand mesurer les moments-clés ?
AM : il faut le faire raisonnablement rapidement après l’évènement à mesurer. L’expérience nous dicte de ne pas dépasser 4 semaines de délai après le moment-clé. Nous constituons par ailleurs des échantillons de contrôle, par exemple en questionnant des gens juste après leur contact avec la marque et nous ré-interrogeons à l’identique un an plus tard. Cet échantillon de référence va nous permettre de mesurer la fidélité des clients en fonction de la date de leur dernier moment-clé et l’effet à court ou long terme de ce contact. Contrairement aux idées reçues, il arrive que les clients oublient plus vite les mauvaises expériences que les bonnes ! Il est d’ailleurs aussi important d’évaluer les moments de vérité qui vont engendrer de l’oubli ou du pardon que d’étudier ceux qui n’en produiront pas.
Maîtriser les moments-clés
Comment les mesurer ?
AM : le recueil des verbatim est fondamental parce que c’est la voix du client. C’est ce qui permet le mieux d’observer l’ensemble des tranches de vie. La formulation des questions ouvertes compte alors énormément pour recueillir le plus de verbatim possible. Il faut aussi prendre en compte les émotions du client, d’où notre technique de mesure de la charge émotionnelle par un système d’icônes uniquement visuelles.
Y-a-t-il des cas de figure surprenants ?
AM : je me souviens d’une étude pour un opérateur de téléphonie mobile. Il s’agissait d’un consommateur à qui l’on avait fourni un appareil de prêt. L’ennui, c’est qu’il avait trouvé dans le portable des images licencieuses prises par le précédent utilisateur ! C’est le genre de faits auxquels personne ne songe mais qui peuvent coûter cher. Les verbatim sont extrêmement importants pour comprendre précisément les process, et apprendre dans le détail ce qui plaît ou déplaît au consommateur.
Que l’on étudie les occasions de contact qui se passent mal, soit. Mais pourquoi scruter les expériences positives ?
AM : pour maximiser les bons contacts. 10 % de clients déclarent, par exemple, qu’ils ont été très heureux de réaliser l’échange de leurs produits en un jour au lieu des trois prévus habituellement. Vous examinez ça de plus près et vous vous rendez compte qu’il serait bon que l’échange ait lieu le soir même. Il s’agit alors autant de faire reculer l’insatisfaction ou l’infidélité que d’améliorer la satisfaction et la fidélité.
Faire ce que l’on dit
Qui sont les bons et les mauvais élèves ?
AM : la grande distribution génère le plus de « touchpoints » positifs devant la VPC. Les incidents négatifs sont plus constatables dans le secteur des Télécoms et dans ceux de la banque ou des fournisseurs d’électricité, de gaz et d’eau.
Est-ce surprenant ?
AM : la grande distribution est très bien armée en la matière. Par le volume et la fréquence des visites de clients qu’elle traite, elle est habituée à traiter ces moments-clés. La relation client dans les Télécoms est différente. L’offre de produits est plus complexe, moins directe. Cette culture du point de contact est moins naturellement ancrée.
Qu’est-ce qui génère le plus d’insatisfaction et de satisfaction ?
AM : côté insatisfaction, le plus dommageable est quand la marque ne fait pas ce qu’elle dit. Il faut aussi faire attention avec l’argent de ses clients. En revanche, les gens sont extrêmement indulgents sur le fait qu’un process puisse mal se dérouler. Sitôt le process réparé, ils ont tendance à passer l’éponge. Ce qui fait plaisir, en revanche, c’est la réactivité, le fait d’aller plus loin, d’échanger, de remplacer, de rembourser. En bref, un bon service client est celui qui personnalise au plus près l’expérience client.